Yes - Drama

22 juillet 2009

Artiste: Yes
Album: Drama
Année de sortie: 1980
Durée: 36:55 (+79:16)*





Tracklist:

1. Machine Messiah (10:27)
2. White Car (1:21)
3. Does It Really Happen? (6:35)
4. Into The Lens (8:33)
5. Run Through The Light (4:43)
6. Tempus Fugit (5:15)


Line-Up:

Trevor Horn: Chant & Guitare Basse sur "Run Through The Light"
Chris Squire: Guitare Basse, Chant & Piano sur "Run Through The Light"
Steve Howe: Guitares & Chant
Geoff Downes: Claviers & Vocoder
Alan White: Batterie, Percussions & Chant

*version remasterisée avec titres bonus


Chronique:

Après l'indiscutable échec de Tormato, Yes a trouvé bon de changer sa formule. Exit donc, Rick Wakeman et Jon Anderson, déstabilisés par la tournure musicale aseptisée involontairement adoptée par le groupe, comme s'ils sentaient qu'il fallait à tout prix mettre un terme avant qu'ils foncent inévitablement dans le mur. (Ceci dis, cet argument était clairement justifiable quand on voit ce qu'à donné les premières sessions de Drama, quand ces deux derniers étaient encore dans le groupe), Chris Squire, Steve Howe et Alan White se retrouvèrent à poil de leur gourou cabalistique et de leur déambulateur de paluches costumé (mais contrairement à Anderson, Yes n'avait eu aucune difficulté à remplacer Wakeman. Sans Patrick Moraz, la touche jazzy et chaleureuse de Relayer n'aurait jamais pu jaillir), clairement démoralisés par cet évènement inattendu, ils décidèrent malgré tout de ne pas dissoudre le groupe, même s'ils savaient qu'au fond, l'échéance arriverait tôt ou tard devant les mouvements musicaux en extrême mutation à l'aube de cette décennie des années 1980 qui s'est vu manifester une régression évidente de la musique Rock.

Les trois membres restants décidèrent de frapper un grand coup (et dans le même temps, prendre un sacré risque) : recruter les deux membres des Buggles, Trevor Horn et Geoff Downes! Deux inconditionnels de la pop léchée et limite parodique ayant un lien très pauvre (voire inexistant) avec la musique de Yes jusqu'à maintenant. Du pain-béni pour les détracteurs de la formation qui se réjouissaient de pouvoir les descendre avec un certain sadisme éloquent avant même que ce nouveau line-up ait pu travailler son nouveau disque. Mais entre nous, ceci était clairement légitime vu la sale publicité que Yes se mangeait depuis Going For The One. Et cette alliance imprévisible pouvait laisser sceptique.

Tout était réuni pour un échec d'une dimension astrale où toutes les revues musicales de l'époque pourraient s'adonner à cœur joie à une lapidation collective. Sauf qu'il n'en est rien, Drama est un coup de bluff hallucinant, cet album - vu son contexte - est inexplicablement excellent, ce qui ne l'a tout de même pas empêché d'être copieusement descendu, mais là n'est pas le problème, il l'aurait été quoiqu'il arrive. Mais la question à tendance quasi philosophique que se pose n'importe quel fan de Yes ayant un faible pour cet album est, "Pourquoi cet album est bon?" Tout comme Tormato, il y a plusieurs théories: la réponse la plus élémentaire serait d'affirmer que ce n'est pas un album de Yes, mais un album de Yes ET des Buggles, ce que je réfute. Drama est un authentique album de Yes, mais un Yes s'étant étrangement adapté à son époque musicale indécise. Trevor Horn et Geoff Downes ont apporté un coup de fraîcheur inattendu et un coup de boost phénoménal au groupe, signant d'une caractéristique clairement pop mais tout en prenant soin de ne pas dénaturaliser la musique épurée de nos britanniques à costumes, ce qui fait un album, paradoxalement, extrêmement progressif.

Si Drama est bon, c'est qu'ils ont maniés ces deux mouvements sans tomber dans le cliché, et il est évident que quand on passe de Tormato à celui-là, Wakeman et Anderson apparaissaient clairement comme les principaux instigateurs de la régression du son de Yes. Car ici, Geoff Downes exploite bien mieux les nouvelles technologies électroniques contrairement à Wakeman et son ignoble Birotron. Downes est également beaucoup plus sobre! Terminées, les grandiloquences pompeuses! Trevor Horn, quant à lui, apporte peu par rapport à son prédécesseur, sa voix est certes banale, mais laisse entrevoir toute sa profondeur quand il est soutenu par les lignes vocales de Chris Squire. On pourra lui reprocher quelques limites dans les aigus, là où Anderson était quant à lui clairement à ses aises.

L'album est également bien mieux produit que Tormato (le retour de Eddie Offord aux commandes n'y est pas pour rien), et ce qui fait qu'on le place comme un ovni musical est le fait qu'il ai une approche très Prog tout en ayant un son très kitsch, mais pour une fois, qui ne sera pas connoté péjorativement, ce qui dans un sens me paraît absurde. Cet album était la représentation même que le Prog pouvait avoir sa place dans les années futures, mais ça, personne n'y croyait, ou personne ne voulait le croire. Chaque morceau est inévitablement beaucoup plus Rock que les précédents albums. Chaque morceau est un potentiel petit concentré de dynamite, indépendants les uns des autres, créant des tubes en puissance sans en être vraiment. Machine Messiah propose une rythmique violente digne d'un groupe de Heavy-Metal découpés en plusieurs parties où les notes valsent astucieusement sur un nid à sensations, l'étrange interlude symphonique qu'est White Car laisse place au pulsif Does It Really Happen? à la ligne de basse démentielle et aux orchestrations utopistes laissant entrevoir les fantaisies musicales de l'univers d'un Crash Bandicoot, talonné par un Into The Lens jouissivement déstructuré au refrain imprévisible et dévastateur, comme se trouvant dans une barque, perdu au milieu d'un lac. Ce morceau est la représentation même de ce nouveau Yes, toujours fugace, toujours subtil, mais de plus en plus indicible et surtout d'une beauté hallucinante. Comme si ils avaient mis tout ce qui leur restaient de leur inspiration, celle qui vient des tripes, et qu'elle s'écoule jusqu'à la lie, quitte à se faire gerber*, contrairement au pâlichon Run Through The Light qui n'aura pour intérêt que de remarquer l'aisance notable qu'à Trevor Horn avec une 4 Cordes. Tempus Fugit clos cette nouvelle démarche créatrice (mais trop courte!) avec un puissant Rock fruité d'une virtuosité furtive mais un poil répétitive, comme s'ils avaient trop exploités le riff initial.

*(remarque: la première version de ce morceau s'intitulait 'I Am A Camera' est était initialement sortie par Downes et Horn quand ils étaient encore chez les Buggles)

Conclusion: Drama est en quelque sorte là pour retarder l'échéance fatidique et inévitable, réservée à tous les groupes de Prog en ce tout début de décennie. C'est d'ailleurs assez étonnant que Yes ai tenu tête aussi longtemps dans ce domaine; c'est un hommage et un épilogue honorable qu'il est bon de se le rappeler, et aucun autre album similaire à celui-là ne sera produit tant le contexte de sa réalisation était spécial. Trevor Horn ne se sentant pas à l'aise dans ce rôle si délicat et en conflit avec son ancien compère Downes, quittera le navire. Ce dernier quant à lui, ira former "Asia" avec Steve Howe, John Wetton & Carl Palmer. Le groupe sera officiellement dissous en 1981.

Note: 16,5/20

0 commentaires: