Voïvod - Dimension Hatröss

18 juin 2009

Artiste: Voïvod
Album: Dimension Hatröss
Année de sortie: 1988
Durée: 41:25





Tracklist:

... Prolog ...
1. Experiment (6:10)
2. Tribal Convictions (4:52)
3. Chaosmöngers (4:39)
4. Technocratic Manipulators (4:35)
... Epilog ...
5. Macrosolutions To Megaproblems (5:33)
6. Brain Scan (5:08)
7. Psychic Vacuum (3:49)
8. Cosmic Drama (4:54)
9. Batman* (1:45)

*Reprise de Neal Hefti


Line-Up:

Denis 'Snake' Belanger: Chant & Voix
Denis 'Piggy' D'Amour: Guitares
Jean-Yves 'Blacky' Thériault: Basse
Michel 'Away' Langevin: Batterie, Artwork & Concept


Chronique:


Voïvod avec cet album s'affirme de plus en plus, et opte pour une musicalité, qui, progressivement, n'aura plus grand chose à voir avec les plus endiablés et rugueux rugissements de 'Rrröööaaarrr'. Même si le son du groupe n'a aucunement perdu de sa hargne salvatrice, le groupe manie avec beaucoup plus d'intelligence ses influences. Voïvod a tout bonnement mûri! Car en dehors de tous les éléments plus techniques déployés par nos instrumentistes parfois douteux, le décor est inévitablement moins Thrash mais non moins inquiétant. Comme nous le montre le riff principal du titre d'ouverture, 'Prologue - Experiment' qui se démarque clairement d'un Killing Technology avec des signatures rythmiques changeantes, structures typiques d'une démarche indiscutablement plus 'Prog'. 'Tribal Convictions', comme la première partie de son nom l'indique, sonne comme une sorte de rituel chamanique perdu au loin quelque part sur un îlot de la désolation des êtres bannis. Les déferlements de toms de Away sont accompagnés par la basse monocorde et néosphérique de Blacky, précédant un riff tranchant et suspicieux de Piggy. Snake y ajoute sa touche vocale atonale au contenu et participe ouvertement à cette ode au désarroi. C'est un de leurs plus gros classiques en concert. Mais malgré le fait qu'on ai affaire à un concept album, les ambiances sont assez distinctes entre chaque titre (et qui en fait un album assez simple à chroniquer), qui confirme explicitement le fait que le son du groupe s'est assagi et se trouve beaucoup plus réfléchi. Killing Technology était excellent dans son genre, mais possédait quelques (rares) faiblesses à ce niveau. Dimension Hatröss a également des faiblesses, mais réparties de façon clairement différentes. Dimension Hatröss est en quelque sorte le 'prototype' de Nothingface qui sortira un an plus tard alors que Killing Technology était "l'aboutissement" majestueux du gros Thrash du milieu des années 1980 dont le 'War And Pain' et le 'Rrrrööööaaaarrrr' en étaient les brouillons. Le changement radical entre les 2 albums renforce cette impression.

Passé le 'Experiment' aride et le nébuleux 'Tribal Convictions', c'est au torturé 'Chaösmongers' de suivre la route. C'est un titre qui se démarque par ses dissonances poussées jusqu'à son paroxysme, titre assez peu abordable, avec un pont hallucinant où les 2 parties de guitares s'entremêle dans une sorte de chaos absurde ... Ça en dégouline de rouille spectrale ... 'Technocratic Manipulators' (Putain ce nom!) débute sur un grondement furtif de la basse et déferle sur une sorte de rythmique Punk dont Voïvod n'en a jamais renier les origines. Là on a affaire à du pur Thrash! Oh Fucking Yeah! Mais beaucoup plus épuré que celui que l'on trouvait sur Killing Technology. Ça déboîte, ça démonte, et c'est terriblement bon. Tout comme le refrain sonnant comme une horde de jeunes hardeux hurlant leur joie dans un hangar désaffecté. Et fait assez étonnant, c'est un titre plutôt 'joyeux' où les dissonances - propre au son du groupe - sont assez peu déployées. Le final (entrecoupé par un pont astucieux) est d'une hargne que je n'avais jamais vu auparavant chez Voïvod, mais c'est de la hargne optimiste! ... Optimiste ... Optimiste? Cela aurait été trop beau! Et c'est également ça qui est géniale et extrêmement bien pensé, c'est que - toujours en gardant le même thème/riff - cela se dégrade progressivement vers une sensation beaucoup moins sereine ... Comme si vous hurliez votre joie et que votre visage dégoulinerait de votre chair et de votre peau et que vous continuez à hurler cette joie, malgré la pourriture qui vous envahie ... Il n'y a pas de place pour la sérénité à Morgöth ...

La première face fût riche et excellente, nous pouvons maintenant attaquer la 2ème qui le sera tout autant. 'Macrosolutions to Megaproblems', comme son Kafkaïen nom l'indique est un puits à problèmes d'une échelle cosmique qu'il faudrait résoudre à l'aide d'un dé à coudre ... C'est un titre extrêmement déstructuré, prémices de l'univers de Nothingface démarrant sur un thème non dénué de trouble se faisant croissant, coupés par d'étranges déploiements guitaristiques (volontairement?) bancals, cassant étonnamment le rythme de l'œuvre. On n'y comprend rien mais on s'imagine que le guerrier Voïvod n'est pas en train de jouer aux cartes, il souffre comme se trouvant confronté à plusieurs attraits non désirables de sa personnalité. C'est un peu un titre comparable à 'Technocratics' dans le sens où il est extrêmement percussif, et possédant un refrain à faire choir Korgüll d'une partie de ses pouvoirs mécaniques. Ô combien déstructuré et maladroit, le morceau se termine (du moins c'est ce que l'on croit!) sur d'étranges phrasés vocaux faisant l'incantation sonore de ce titre évoquant l'impossible. Qui est suivi par 'Brain Scan'. Brain Scan, c'est THE Riff! Un riff puissant, synthétique dont on n'a aucun mal à apercevoir la fumée vaseuse et détestable s'élever dans des airs sombres et asymétriques d'une noirceur au goût amer de la rouille. Un peu comme le titre précédent, c'est un morceau qui fait beaucoup penser à Nothingface dans l'approche, c'est une véritable traversée des différentes parties et fonctions cervicales. elle est furtive, brutale et on aurait aimer qu'elle fût inexistante. Le guerrier meurtri de Morgöth sombre dans une inextricable folie tandis que Piggy nous assène d'un solo de guitare poreux suivi d'une brève partie instrumentale mordant les contours acides de l'acier.

Cela fait trois gros paragraphes que je vous assène de termes complexes à tenter de vous décrire ces pépites nucléaires, mais il n'en ai rien à côté de ce pure OVNI qu'est 'Psychic Vacuum'. La rythmique mise en marche, on ne comprend déjà rien. Précédé par un déferlement de monticules de sons criards dans un format 'free', le riff principal est extrêmement furtif, s'envole dans les airs aux contours stridents et inutiles pour retomber aussitôt mordre la poussière ocre, comme si nos valeureux guerriers étaient condamnés à errer sur une portion de temps extrêmement courte se répétant jusqu'à l'éternité, comme la transmutation réelle du blocage d'un CD. Seul Snake parvient à s'échapper et à raconter non sans séquelles le récit auquel il a été confronté tandis que ses amis restent bloqués dans un univers où temps et espace se sont intimement réduits proche de l'état du néant, sans se soucier de la rythmique de cette étrange vision psychédélique. La 2ème partie du morceau tangue vers un ambiant sinueux où règne le chaos stellaire. Passés ces émotions industrielles et opaques, le groupe boucle la fin de son chapitre rocambolesque posant un style indéfini avec 'Cosmic Drama', peut-être un peu plus atmosphérique que les autres, il n'en demeure pas moins torturé, mais pour un titre achevant son récit atrophiant, on aurait pu s'attendre à quelque de chose de plus majestueusement corrosif. Cela n'empêche qu'il possède un refrain se rangeant dans cette ultime catégorie (With my psychic power, Imploring the quasar! sonnant comme des caricatures de robots destructeurs de série B) , mais malgré ceci, la fin paraît bâclée, un peu inachevée. Même si l'histoire se termine, ce n'est pas le dernier titre. Un cover de Neal Hefti, 'Batman' dont tout le monde se serait bien passée figure en dernier sur la liste.

Les mages de la déstructuration atemporelle et effritée d'effigies rubigineuses ont frappés et laissent derrière eux une nouvelle ère dans la dimension de Morgöth, une petite démonstration d'avant-gardise sous d'incommensurables bâtisses thermiques, venu d'un genre que je catégoriserai de 'Cyber-Prog', Voïvod s'affirme, Voïvod trouve son style, son univers, Voïvod peut être fier de lui, Nothingface arrive et le constat va être encore plus violent en cette matière.

Note: 16/20

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