Le Désert des Tartares

7 août 2009

Le désert des Tartares est un roman écrit par Dino Buzzati en 1940.

Et ce roman, je l'ai enfin terminé. Pourquoi enfin? Car je l'avais commencé il y a longtemps - plus d'un an - mais ne m'étant pas suffisamment immergé dans l'œuvre, je le délaissa au bout d'une centaine de pages pour m'adonner à quelque chose de plus vivifiant.

Mais l'année d'après, je me suis mis à la relecture de ce livre (que j'ai du relire depuis le début, le synopsis de l'histoire m'avait depuis échappé) et je vais pouvoir vous raconter mon ressenti face à cette œuvre de la littérature d'un genre que je ne pourrai définir.





Synopsis: Le Lieutenant Drogo est affecté au Fort Bastiani, une vieille bâtisse siégeant au pied des montagnes délimitant deux royaumes par une frontière d'un désert vaste et mystérieux où depuis des années, les protagonistes attendent l'arrivée des ennemis, les tartares qui se font attendre et qui n'arrivent jamais. La vie au fort est très cadrée, monotone et dénué de tout ce que l'on peut espérer de beau dans la vie. Le lieutenant Drogo n'a qu'une idée en tête quand il arrive dans cette atmosphère taciturne: partir au plus vite.

Attention, les éléments suivants dévoileront l'intrigue.

Sauf que, contre son gré, ou contre sa motivation d'avoir à faire à cet hypothétique combat contre les Tartares, Drogo ne parvient pas à partir et à se détacher de ce train de vie déshumanisé et férocement cadré par les rigueurs militaires. Drogo prend un certain plaisir et un certain goût à cette monotonie où il trouve la jouissance de la vie à travers l'attente du combat ultime, son but, le combat de sa vie, le combat qui fait qu'il se force à rester ici en s'abstenant de tous les plaisir malins et futiles que lui offrirait une vie normale. Il se dit qu'il a le temps, qu'il a tout son temps, qu'il est encore jeune et fringuant, qu'il a encore de belles années devant lui. Mais après de longues années au Fort, au retour à la ville, il se rend compte qu'il n'est plus le même, qu'il n'a plus rien à voir face à ceux avec qui il passait du bon temps dans sa courte jeunesse, il ne trouve plus l'essence qui faisait sa fougue d'antan, le rythme rébarbatif du fort l'a rendu mécanisé, telle une enveloppe charnelle dénuée de subtilité, une entité mouvante, tout simplement un corps sans âme.

Ne trouvant un but qu'à travers la vie du Fort (où il ne cesse de monter en grade, sans pour autant avoir une grande considération de la part de ses subalternes), Drogo continue son état de non-vie où il attends avec une patience surhumaine pour seul compagnon le but qu'il s'est mentalement fixé. Et ce but, il est tout près d'arriver. Drogo a près de 54 ans (dont 30 passés décalés de la civilisation), mais à l'approche des Tartares, Drogo tombe malade et doit contre son gré, renoncer à la bataille, la bataille de sa vie, sa bataille; où tous les sacrifices qu'il s'est donné de respecter pendant ces 30 années n'auront servi qu'à anéantir purement son existence, tellement son échec est immense. Tout une vie à attendre un but qui, quand il pointe le bout de son nez, n'étant plus d'attaque à l'affronter, et la seule que vous devez affronter est le naufrage indescriptible de votre vie passée.

Cette œuvre m'a marqué. Car elle rejoint implicitement l'idée qu'il ne faut pas trop s'attarder sur des principes que l'on s'est maladroitement inculqués, et qui se présentent comme un obstacle évident de ce que l'on doit normalement vivre d'heureux dans une vie; à savoir le partage avec l'autre, le partage avec les autres. Que ces principes - même s'ils paraissent louables et légitimes pour la personne qui les appliquent - ne doivent pas empiéter sur ce qu'elle aurait aimer de simple et futile si ce projet n'aurait pas été un guide aveugle pour elle. Guidé par la gloire, une gloire n'étant pas certaine de se montrer, mais une gloire envisageable, et sacrifier son existence pour elle. C'est une sorte de fantasme d'auto-satisfaction à travers ce qui pourrait potentiellement arriver et de porter peu d'importance aux plaisirs de l'existence en les repoussant toujours ultérieurement sous ce prétexte douteux qui voudrait qu'on ai le temps ...

Le temps. C'est le thème le plus (et le mieux) employé dans le "Désert des Tartares". Ce livre démontre de manière forte et extrême sa fuite et du temps inutile qu'on lui consacre. A travers l'existence de Drogo, le fait d'être immergé dans un climat froid, mécanisé, et déshumanisé l'a induit en erreur sur la notion du temps. Ces repères temporels étaient bien trop maigres pour qu'il s'en rende compte et que cela l'atteigne.

Et ce qui est terriblement passionnant à travers cet écrit, c'est que l'auditeur qui suivra avec beaucoup d'attention le fil conducteur de l'histoire n'aura aucun mal à imaginer divers dénouements dépassant la raison, tant le fameux "désert des tartares" est présenté de façon mystique et fantomatique, lande inhabitée d'un dessein imperceptible, laissant le lecteur construire son imagination vorace. On salive et on palpite à l'idée qu'il nous reste qu'une bonne vingtaine de pages, car on ne sait à quoi s'attendre, tant le monologue de Drogo à travers la monotonie de sa vie militaire fût pesante et décrite de tous les recoins. On sait qu'il va se passer quelque chose de terrible, mais on ne saurait dire quoi. Même si sur les dernières pages, on sera vite fixés.

D'ailleurs, la fin est intéressante, car beaucoup d'entre nous auraient pu penser que le lieutenant Drogo allai mettre fin à ses jours, mais au lieu de ça, il a réagi comme il n'a cessé de réagir pendant les 30 années où il siégeait au fort; l'attente et la satisfaction béate de cette attente. Il attends et trouve son carburant vital à travers ses pensées et ses rêves, comme si ses rêves étaient vie et que sa vie n'était que rêves dont il fallait porter peu d'intérêt. C'est beau, presque émouvant, terriblement triste et austère. Mais le message qui en ressort vous frappe au visage d'une telle intensité que vous ne pouvez rester de marbre. Malgré les tournures de certaines phrases un peu irritantes (qui a fait que je n'ai pas accrocher tout de suite) et la lenteur excessive et progressive de renouveau, ce roman, pour son impact existentiel fort est d'une réussite évidente.

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